La Haute autorité de santé précise les modalités de la sédation en fin de vie

Quels médicaments doivent être utilisés pour la sédation profonde des patients en fin de vie? Comment les utiliser? Ce droit à décéder sans souffrance et sans conscience, permis par la loi Claeys-Leonetti de février 2016, n’avait jusque-là aucun cadre. C’est chose faite depuis lundi. La Haute Autorité de Santé (HAS) vient en effet de publier les modalités de mise en œuvre de cet acte très délicat. Désormais, les médecins hospitaliers ou généralistes confrontés à cette situation disposent d’un guide précis.
La sédation profonde consiste à suspendre la conscience du malade et à arrêter les soins, tout en maintenant les traitements contre la douleur. «Elle ne peut être envisagée que pour des patients majeurs en fin de vie, pour lesquels il n’y a pas de traitement curatif et qui souffrent de douleurs réfractaires, c’est-à-dire échappant aux médicaments antalgiques, met en garde le Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS.

Trois médicaments possibles
Les experts de la HAS recommandent d’utiliser en première intention le mizadolam injectable, un médicament qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché pour les anesthésies. S’il s’avère inefficace ou inadapté, deux antipsychotiques pourront être utilisés: la chlorpromazine et la lévomépromazine.
Dans un premier temps, une petite quantité devra être injectée. En fonction de la réaction du patient, le médecin augmentera progressivement la dose, jusqu’à ce qu’il perde conscience. «Il ne s’agit pas de provoquer la mort, mais de maintenir la sédation jusqu’à ce que l’évolution naturelle de la maladie entraîne le décès du patient», précise le Dr Gabach. L’acte est délicat: une dose trop importante injectée d’emblée pourrait provoquer le décès du patient. Au contraire, si le patient manifeste des signes d’amélioration, il sera possible de revenir en arrière en arrêtant l’injection.

«Il ne s’agit pas de provoquer la mort, mais de maintenir la sédation jusqu’à ce que l’évolution naturelle de la maladie entraîne le décès du patient» Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS
Pour le moment, aucun de ces médicaments n’est autorisé pour cet acte. Et pourtant, la loi Claeys-Leonetti permet déjà aux familles d’obtenir ces médicaments. Mais ceux-ci n’étant pas disponibles en pharmacie, cela ne peut se faire que par rétrocession hospitalière, sur présentation d’une ordonnance médicale. «Nous demandons que les médecins généralistes puissent désormais avoir accès à ces médicaments sans passer par l’hôpital», indique le Dr Gabach. Il appartient donc au ministère de la Santé de prendre des dispositions pour faciliter cet accès aux médecins de ville.

À l’hôpital ou à domicile
Cet acte pourra se faire aussi bien à l’hôpital qu’au domicile du patient. «Le médecin devra être présent tout au long de l’injection et s’assurer qu’il dispose d’un lit de repli dans un hôpital proche», détaille le Dr Gabach. Il devra également être joignable à tout moment et s’être formé à cette pratique. Contraignant. «Même si le malade a inscrit la sédation profonde dans ses directives anticipées, la décision devra être prise de façon collégiale par plusieurs médecins et suite à une discussion avec la famille», précise encore le médecin.
«Ce genre de situation est peu fréquente mais c’est un sujet trop important pour qu’on ne le codifie pas», souligne le Pr Pierre-Louis Druais, vice-président de la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs à la HAS. «Personne n’avait encore osé écrire de telles recommandations, cela n’existe pas à l’étranger. Nous espérons que cela va débloquer la situation», insiste le Dr Gabach.

VOIR AUSSI l’article du Figaro :Fin de vie: la sédation profonde sera accessible aux généralistes (lien ici)