Sédation

« SEDATION PROFONDE ET CONTINUE »

COMMENT SE REPERER ? QUELS ENJEUX ?

 Position de la Fédération JALMALV                               

Docteur, c’est quoi la sédation ?

Tout d’abord, mettons-nous d’accord sur le mot car ce terme de « sédation » n’est pas nouveau.  C’est une pratique médicale bien connue des anesthésistes et du public, par exemple, pour réduire une luxation d’épaule.

Mais selon le cas à traiter, cette sédation est plus ou moins profonde : à dose légère elle permet d’atténuer la vigilance du malade. A plus forte dose elle entraîne une altération de la conscience. Le médicament utilisé généralement est le MIDAZOLAM  (HYPNOVEL) qui permet de moduler l’effet obtenu en fonction des doses administrées.  On peut donc adapter ses effets aux buts recherchés. Et trouver ainsi un équilibre entre ce que le malade juge insupportable et ce qu’il tolère.

En soins palliatifs, la sédation est utilisée depuis plusieurs années à des degrés divers.

La sédation-anxiolyse

Il s’agit d’apaiser un malade en proie à une anxiété très forte, fréquente en fin de vie.  L’objectif est que la personne soit apaisée. Pour cela on provoque un apaisement du patient sans que sa conscience soit altérée.

Ces situations sont très fréquentes
La sédation intermittente

Pour un malade douloureux qui ressent sa situation comme insupportable on peut recourir à une sédation plus profonde provoquant une altération de la conscience. En fonction de ce que le malade éprouve et souhaite, cette sédation sera intermittente.  Soit selon les moments de la journée : plus importante la nuit pour que le malade se repose, dorme ; plus légère la journée pour qu’il reste en communication avec son entourage. Soit de façon transitoire :  quelques heures, quelques jours, en cas d’aggravation d’un symptôme, jusqu’à ce qu’il soit contrôlé par exemple.

Ces situations sont fréquentes.

La sédation continue

Dans certains cas plus difficiles on en vient à une sédation continue. Cette sédation sera mise en œuvre pendant une période plus longue mais à tout moment elle pourra être interrompue et réversible.

Ces situations sont beaucoup plus rares.

Et la loi du 2 février 2016, que modifie-t-elle ?

Elle introduit la notion de droit à une sédation profonde et continue, en fin de vie, dans certains cas de douleurs réfractaires ou de soins déraisonnables. Il s’agit là d’une sédation provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie y compris l’hydratation et la nutrition (considérées comme des traitements).

C’est une situation très encadrée qui doit être prescrite  si et seulement si, le patient le demande, dans une situation de décès à court terme, face à un symptôme réfractaire. Ces différentes conditions doivent être réunies.

C’est un droit nouveau, répondant à des conditions de mise en œuvre très précises décrites par la loi (Article L 1110-5-2) :

  • Soit à la demande du patient, « lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, présente une souffrance réfractaire aux traitements afin d’éviter toute souffrance et ne pas subir d’obstination déraisonnable.

Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entrainer une souffrance insupportable ».

  • Soit dans le cadre du refus de l’obstination déraisonnable

« Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, et, au titre de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès associée à une analgésie ».

En pareil cas, cette décision doit résulter d’une procédure collégiale.

Chaque situation reste singulière, avec ses acteurs et son environnement propre La mise en œuvre d’une sédation ne peut se faire sans des temps d’échange avec les patients et les familles. La décision doit toujours être l’aboutissement d’un processus de concertation.

Ces situations sont extrêmement rares.

Quels problèmes éthiques cela pose-t-il ?

  • L’exercice du droit.

L’esprit de la loi est de permettre, par la sédation profonde et continue, un soulagement dans des situations extrêmes et ce, jusqu’à la mort du patient.

Dans cette circonstance, la sédation est définie comme un traitement qui cherche à soulager le malade en acceptant que la mort puisse survenir naturellement et non pas comme une thérapie qui vise intentionnellement à provoquer ou à accélérer le décès.

On voit bien que ce nouveau droit est porteur de dérives euthanasiques possibles.  Dans l’imaginaire, la représentation du « bien mourir » est souvent associée à « mourir dans son sommeil ». Il y a là un vrai risque d’outrepasser les indications de la sédation et de la confondre avec un rituel du bien mourir.

A noter qu’un médecin qui ne voudrait pas participer à la validation d’une sédation pourrait se retirer de la procédure collégiale en se retranchant derrière l’article 47 du code de déontologie médicale qui fait référence à ces cas

  • Sa mise en pratique

C’est la première fois qu’une loi encadre une pratique médicale. Elle fait l’objet de recommandations émises par la Haute Autorité de Santé (HAS) et la Société Française de Soins Palliatifs et d’Accompagnement (SFAP). La pratique de la sédation repose sur une technique maîtrisée. Elle nécessite donc des professionnels formés et ayant reçu un enseignement sur les soins palliatifs

En outre, à court terme, le développement prévisible des soins palliatifs à domicile va exiger des acteurs mobiles et des moyens plus nombreux pour assurer le confort des patients et leur suivi continu.

Position et rôle de JALMALV

Une vigilance éthique s’impose car il y a un vrai risque d’outrepasser les indications de la sédation. Pour JALMALV, la question de la mort et du mourir ne peut se résumer à celle des conditions du mourir.

La sédation s’inscrit dans une perspective de soulagement et non dans le but d’abréger la vie. La souffrance d’une personne en fin de vie ne peut se réduire à un problème technique qui se résoudrait par des médicaments. La sédation en fin de vie n’a pas à devenir une norme du « bien mourir » mais doit rester   une solution possible dans certaines situations bien définies.

Il ne peut y avoir de protocole du « bien mourir ».

Les médicaments ne peuvent remplacer la présence, l’attention et l’écoute de la personne en fin de vie.

La sédation est une réponse technique, l’accompagnement est la réponse humaine et solidaire de la société.

Place des bénévoles

Pour les accompagnants bénévoles dont le rôle est de se mettre à l’écoute des personnes malades ou des personnes âgées dépendantes, la sédation profonde et continue interroge.

Parce que la sédation signe la fin du partage de la parole.

Parce que la sédation isole la personne malade et les accompagnants privés de relation et déjà aux prises avec un deuil à entreprendre.

Parce qu’il n’y a pas de retour arrière possible et qu’on est face à une personne encore vivante mais déjà « partie ».

Parce qu’on n’a pas idée du ressenti et des contenus de pensée du malade.

La sédation interrompt la communication, là-même où l’on postule que celle-ci est une des modalités de l’accompagnement, de la sollicitude, c’est-à-dire de ce qui nous permet de nous tenir non seulement ensemble mais réciproquement dans l’humain.

On parlera plutôt de présence à l’autre que d’échanges. De respect de la personne, de reconnaissance de sa dignité, de sa qualité d’être humain dont seule la présence d’autres humains peut témoigner.

Plus encore que dans d’autres accompagnements, le bénévole aura à soutenir la famille, à l’aider, à donner un sens à la démarche entreprise.

Face à un malade sous sédation profonde, le bénévole doit mener une réflexion sur l’ajustement de son accompagnement. Pour cela les bénévoles sont invités à exprimer dans des groupes de discussion (groupes de parole) leur vécu de ces situations ainsi que leur rapport subjectif à la question de la sédation et les représentations qu’ils s’en font. Ce temps peut contribuer très favorablement à la relation d’accompagnement.