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La Documentation Fin de vie, Emmanuel Macron consulte
Par Mikael Corre avec Marie Malzac
Emmanuel Macron recevait mardi 13 février à l’Elysée des spécialistes de la fin de vie pourun premier dîner de travail sur la bioéthique.
Mardi 13 février soir, à l’invitation du chef de l’État, plusieurs spécialistes de la fin de vie se sont retrouvés autour d’un dîner à l’Élysée. Étaient présents plusieurs membres du Comité consultatif national d’éthique, dont son président Jean- François Delfraissy, des représentants des principaux cultes –Mgr Michel Aupetit, François Clavairoly, Haïm Korsia, Ahmet Ogras –, des spécialistes de soins palliatifs comme Régis Aubry, chef de ce service du CHU de Besançon, ou encore des défenseurs du « droit à mourir », comme le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) Jean-Luc Romero ou le député LREM Jean- Louis Touraine.
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Ils se sont tour à tour exprimés librement devant le chef de l’État, qui a pris des notes avant de conclure par un discours, sans rien trahir de sa volonté ou non de légiférer sur la fin de vie, mais en livrant quelques convictions. Par exemple, sur la nécessité de ne pas utiliser d’euphémisme pour parler du suicide.
Emmanuel Macron a estimé « qu’on pouvait poser la question »
« Le suicide est toujours un acte violent », qu’il soit aidé ou non, a ainsi déclaré le chef de l’État, ajoutant, soucieux de clarifier les définitions, que les mots « suicide » et « assisté » relevaient à son sens « d’un oxymore ». Une manière aussi, selon plusieurs participants à ce dîner, de souligner la contradiction dans les termes entre un geste qui relève à la fois d’un choix personnel mais engage aussi une responsabilité collective, en particulier lorsque le suicide engage un tiers. Le chef de l’État a semblé très attentif aux conséquences de tels actes pour le personnel médical. Alors que certains intervenants présentaient la demande d’une aide active à mourir comme « un choix contraint », résultant d’un manque d’accompagnement, Emmanuel Macron a estimé « qu’on pouvait poser la question » de la liberté effective de ce choix. Plusieurs invités avaient fait référence, au moment de leurs interventions, au philosophe Paul Ricœur, dont Emmanuel Macron a été l’assistant. Le chef de l’État a quant à lui choisi de citer Georges Bataille, empruntant à l’écrivain son idée complexe de la « part maudite », selon laquelle notre propre mort serait la preuve ultime « de l’impossibilité de se limiter à l’Être sans excès ».
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« À la fin de ce dîner, personne ne peut dire ce que pense Emmanuel Macron », a résuméJeanLuc Romero, président de l’ADMD. « Le suicide assisté ne semble pas être son truc… En ce qui concerne l’euthanasie, on ne sait pas. »
« Ce que je perçois, c’est que le vent est favorable »
Le chef de l’État souhaite que les débats se poursuivent dans le cadre des états généraux de la bioéthique qui ont commencé en janvier. Mais sa posture ouverte aux différentes sensibilités suscite des attentes contradictoires. « Ce que je perçois, c’est que le vent est favorable », estime par exemple le sociologue Tanguy Châtel, partisan d’un développement accru des soins palliatifs. « On est en ce moment sur le fil du rasoir, l’opinion n’est pas si homogène que ça sur ces questions », estime ce responsable de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), qui confirme que « l’ambiance de ce dîner était extrêmement respectueuse des opinions de chacun ».
« Emmanuel Macron n’a rien dévoilé de ce qu’il ferait » « Emmanuel Macron a cette habileté de ne pas trancher la question », relève le député LREM Jean-Louis Touraine, engagé pour l’euthanasie et qui espère une nouvelle loi sur la fin de vie. « Mais il n’a pas donné d’encouragement à ceux qui disent qu’il n’y a pas besoin d’une nouvelle loi ». C’est pourtant la position exprimée publiquement par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, également présente à ce dîner, qui a estimé qu’il était préférable d’appliquer la loi Leonetti- Claeys.
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« Emmanuel Macron n’a rien dévoilé de ce qu’il ferait », confirme Régis Aubry, chef de service de soins palliatifs du CHU de Besançon. « Il a simplement capitalisé sur les propositions des uns et des autres et témoigné d’un intérêt particulier pour les questions éthiques. »
L’invitation des représentants des principaux cultes français revenait d’ailleurs à reconnaître à la pensée religieuse une certaine expertise sur ces questions. Une reconnaissance qu’Emmanuel Macron explicitait quelques heures avant ce dîner, devant des journalistes : « J’ai la foi au sens générique du terme.Je crois à une forme de transcendance. C’est pourquoi je respecte éminemment la place que les religions occupent dans notre société. »