Réponse à l’avis du Conseil Économique, Social et Environnemental du 10 avril 2018

Dr Colette Peyrard
Présidente Fédération JALMALV
Médecin retraitée : Anesthésie-Réanimation ,Douleur-Soins Palliatifs

Le rapport du Conseil Économique Sociale et Environnemental (CESE) en date du mardi 10 avril, doit être lu dans son intégralité. Les six premières préconisations invitent au développement des soins palliatifs tant sur le plan de l’égalité des territoires que de la formation des soignants et de l’information du grand public. Par contre la septième préconisation est inadmissible. En effet, elle introduit une confusion malhonnête entre sédation et euthanasie. Et graves sont les conséquences.
Il faut le dire clairement : la sédation ne provoque pas la mort. C’est une forme d’anesthésie qui, comme pendant une intervention chirurgicale, amène le malade à l’inconscience. Parler de sédation létale est une contradiction, une faute grave. Camus disait déjà que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Oui le CESE a ajouté au malheur du monde ! Redisons-le : la sédation ne raccourcit pas le temps qui reste à vivre !
Parler de sédation létale signifie qu’on va sur-doser, faire une overdose, pour provoquer intentionnellement la mort. Je ne rentre pas dans le détail pharmacologique mais on parle ici de deux produits bien différents : l’un qui peut tuer en quelques minutes, l’autre qui endort jusqu’à la mort naturelle, sans la provoquer. Si on procède à une euthanasie, il faut dire le mot, avec le produit destiné à la sédation, la confusion est totale tant pour les soignants que pour les malades en fin de vie qui auraient exprimé leur souhait d’une sédation.
Dès lors le mot sédation va avoir un double sens : prendre soin et tuer ! Disons-le fermement : la sédation est un soin, l’euthanasie est un meurtre. On ne peut la qualifier de « mort naturelle » comme le propose le CESE. C’est un mensonge inacceptable.
Il faut choisir.
JALMALV a choisi.

Dr Colette Peyrard
Présidente Fédération JALMALV

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Éditorial

Fin de vie et CESE

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est une assemblée constitutionnelle française composée de représentants sociaux. Le rôle du CESE n’est que consultatif. Il conseille le gouvernement, les députés et les sénateurs avant de prendre leurs décisions.

Le CESE s’est saisi du sujet de la fin de vie par la prise en compte de pétitions citoyennes d’ampleur significative évoquant la question de la fin de vie. Ainsi le CESE souhaite, parmi ses préconisations, une dépénalisation conditionnelle de l’aide à mourir. En ce sens le Conseil économique, social et environnemental plaide pour une évolution de la loi Léonetti.
En citant Le Monde (Le Monde Société, 10-04-2018), « l’assemblée consultative a adopté, mardi 10 avril, un avis recommandant notamment au législateur d’instaurer pour les personnes atteintes d’une maladie « en phase avancée terminale », et dont la souffrance physique et psychique est « inapaisable », un droit à bénéficier d’une sédation explicitement létale ».
On peut reprocher à cet avis des confusions dans la signification des termes employés (ex : sédation, cf article Colette Peyrard) et des incohérences. De plus ce texte ignore les éléments éthiques du débat sur la fin de vie (respect du malade, la question de la dignité, l’impératif civilisateur « Tu ne tueras point »). Une incohérence majeure est que le CESE englobe les deux actions (les soins palliatifs et le fait de provoquer la mort) dans une forme d’aide médicale. Comme si accompagner et donner la mort revenaient au même.
Il faut redire que l’euthanasie ne sera jamais un soin. On ne peut mettre sur le même pied le fait d’accompagner une personne en soulageant ses souffrances et celui de donner la mort.
Soyons donc très attentifs au fait de changer le sens des mots.
C’est pourquoi JALMALV ne peut approuver ces préconisations du CESE et pense (cf SFAP et dispositions dans les lois de fin de vie) qu’il faut s’en tenir à une pratique qui laisse venir la mort sans la donner, conjuguant ainsi l’obligation d’atténuer les souffrances du malade avec l’interdiction de tuer.
De même l’avis ignore le sens de l’accompagnement et de la relation. Ces questions doivent être évoquées en fin de vie.
Enfin, la valeur de la dignité (terme pouvant également entraîner des confusions) constitue le cadre de référence de Jalmalv. Pour les personnes en fin de vie, il s’agit d’avoir conscience que la dignité humaine est inviolable et inaliénable quelles que soient les fragilités vécues.

Élisabeth Dell’Accio, administratrice Fédération Jalmalv 22 -04-18